Je me retourne sans faire de bruit : l'horizon chargé de brume dévoile la kermesse ambulante. C'est l'automne. La musette, cette drôlerie funeste. Sons de fanfare, cymbales stridentes, tambours et retentissements clinquants sur une terre recouverte de feuilles trépassées.
Tous ces manèges, les cris, les sourires fendus, les sucettes de sucre d'orge collant, le pitre flexible, le marin aux muscles soufflés. Le maître de cérémonie hurlant, gorge béante :
Hé ! Vous ! Nous sommes là ! Nous voilà : croc de bois, amusement, rire, lion luisant, éléphant tôt, singe fou et funambules en piste !
À même ce cirque incandescent, la foule, bouche voûtée, yeux froissés, observe curieusement la boîte à surprises qui dévoile rapidement les numéros : d’un clown qui plonge dans la farine sans répit, d’une couleuvre rayée qui pousse un renard dans l'eau bouillante, d'une ballerine qui tient en équilibre sur un sein, d'un colosse qui soulève une plume de marbre d'Italie, d'un nain qui jongle avec dix oignons dans un cube de verre, et celui du guignol et de l'avaleur de scie mécanique. Le public bucolique, ne pouvant cesser de rire et de pleurer, semble définitivement déchiré par l'ivresse de ce dispositif fulgurant qui dévoile sans attendre la parade de clôture.
Elle s’enfonce sans bruit dans la boîte pour les laisser en plan dans l'estrade, au centre de ce paysage lumineux qui entoure leur village. Dans ce vent humide, la bienfaitrice vêtue d'écarlate saisit la boîte et se met à courir pour s’enfoncer dans la forêt de conifères en proclamant de souples incantations.
J'accours pour l'attraper, elle, dans le champ de seigle, dans le vent de la plaine ocre où l'on retrouve une musique à l'infini. Elle bouge, rapidement, sans me regarder et se glisse dans un grand terrier noir. J’avance avec stupeur et dégoût du trou. Je m'y enfonce pourtant avec une raideur de plomb. Je ressens autour de moi les parois sales et rugueuses où elle se cache, déformée par le temps humide. Glissant comme l'argile, elle se sculpte une fissure dans la roche en laissant dépasser son vagin noir. La rattrapant, je lui enfonce sans retenue une pierre froide dans la profondeur de son corps, en ricanant. Immédiatement, des cris stridents se font entendre dans le terrier. Excité par le délit, je bouffe cette motte qui est emplie de muqueuses et lèche les pourtours de ses lèvres qui sont gonflées de sang. Un délice me couvre le visage.
Cette femme sadique, que je nomme indécemment, n’est pour moi que chevelure, yeux, odeur. Elle est en fait qu'une chatte ondoyante gémissant par l'entremise d'une sonorité fluide provoqué par l’impact de mes coups de langue pointue. Ce désir fou d’être absorbée comme une naïve prostituée bousculée par l'inéluctable frémissement de son corps.
Elle me chuchote ces mots civilisés en me haïssant : Je t'aime, je t'aime, mon petit amour !
credits
from Immobile,
track released January 1, 2016
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