Je m'approche d'elle et lui dis ces mots à l’oreille pour être faux :
Le vent est d'une douceur brûlante.
Seulement ton souffle, venu de loin pour moi.
Quand reviendra ton image flottante sur cet océan calme ?
Quand pourrais-je penser clairement sans que ta présence me hante ?
Une nuit, je te voyais, chevauchant ces vagues noires flattées d'une lumière de lune.
Tu étais toujours là dans ma carcasse rongée d'éternels remords.
Même le mouvement continuel de l'eau et du son me paraît ignoble sans tes paroles mélodieuses. Je suis et je serai toujours un sale menteur, un violent.
Elle me répond : Je t’aime, je t’aime mon petit amour ! Elle s’enfonce dans le sol pour disparaître complètement.
Ces actes primitifs me font mal et me projette au-delà des collines sableuses. Voyageant à une vitesse surprenante, mes joues s'étirent sous la pression du vol. Quelques secondes précieuses s’écoulent. J’atterris dans un café. Une serveuse acharnée vient à moi et dit : Pourquoi es-tu blanc et pâle comme le lait ? D'un élan, je lui transperce le coeur à l'aide de ma chaise verte. Elle me répond, d'un sourire prescrit, que j'ai raison de tuer car la vie est drôlement dure à supporter sans crever des cœurs vivants. Le vent rouge passe entre sa poitrine et amène à mon nez une odeur de tournedos. Moi, impassible, buvant du thé en chantant un air minable de la radio régionale. Je me force à écrire une fausse lettre de voyage que je nomme par goût du désespoir : Oubliez- moi.
Quelle belle journée ! Je vous en conjure, je suis en extase devant l'océan et le vent. Pour tout vous dire, le soleil se couche derrière une grande masse rocheuse et moi, seul, j'admire l'événement à genoux en pleurant devant cette grandiose scène de vie irréelle. En moi, une autre scène m'est visible pour un temps indéterminé. Certains rient de moi sur la grande place car je suis victime d'un sentiment paradoxal : j’ai le rire aux lèvres, ce qui fait place à ma dentition jaunâtre et je verse des larmes, ce qui fait place au paradoxe nommé plutôt. Cette drôle de sensation que je ne veux quitter.
Mon voyage, j'allais oublier mon voyage. Il se porte aussi bien que mon chandail rouge. Vous savez celui avec un gros cheval sur la manche. Enfin, j'ai bien hâte de vous revoir car j’aurai subitement l'égoïste envie de retourner sur la plage chaude parsemée de vagues douces et claires. J'affirme que je m'intègre à ma vie, seul, ici. Oubliez-moi que je vous idéalise de loin. Je vous aime comme je peux m'aimer.
Un facteur moustachu passe par-là pour récupérer ma lettre fraîchement cachetée et m'offre la boîte en bois. La boîte ! Je l'ouvre. Une voix surgit. Elle interroge subitement d’un trait sonore un client du café :
Comment pourrait-on vous cerner M. Gilles Réhan ?
-Suis-je Gilles Réhan !
credits
from Immobile,
track released January 1, 2016
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